"Commençons par un constat banal : la peur, chacun peut s'en rendre compte, est devenue l'une des passions dominantes des sociétés démocratiques." Et Luc Ferry va s'évertuer à nous rassurer en nous racontant l'histoire de la Famille. Celle que l'on croit en perdition n'a jamais été plus au centre de nos préoccupations. Bonne nouvelle ! mais encore … Conjuguons la lecture de Luc Ferry le passionné à celle de Jacques Attali le froid . Le tout n'est que le prétexte que j'utilise pour parler de la famille.
L'histoire de la famille a trois âges
Son premier date de l'Ancien Régime. Ce qui compte, c'est le lignage, la transmission du patrimoine. Le contexte historique, économique et médical suffit à le comprendre. La mortalité, et pas seulement infantile, brisait les familles très jeunes.
Son second est déjà plus récent, et date de 1850 et dure jusqu'à 1950 environ. La famille est bourgeoise. On se marie par affinités, mais on ne divorce pas. Comme l'écrit Luc Ferry, "ce modèle aussi idéalisé soit-il est inséparable de la figure du bordel et du drame bourgeois dans laquelle des femmes sacrifiaient leur vie, notamment professionnelle, à des maris qui les trompaient à tout-va."
Enfin, son âge actuel est celui de l'union d'Amour, régie non plus par un principe d'économie mais par un principe d'autonomie. La décennie 80 déclare même la guerre aux secrets de famille et à leurs corollaires (crises d'angoisse, conduites addictives, …). Les silences liés à l'adoption commencent à être percés, comme les secrets liés à la collaboration et à la Seconde Guerre mondiale, à l'inceste et à la pédophilie. Les petits-enfants posent des questions. Ils obtiennent des réponses. Et a déjà commencé le temps où ils partagent les réponses dans la famille élargie qu'est le Net …
De l'appartenance sociale à l'autonomie de l'individu
Le recul de la ruralité, l'augmentation du salariat, l'accélération des allures, la réduction des distances, tout a concouru à promouvoir la mobilité sociale en fissurant les frontières de classes, à rompre les stricts repères religieux en s'ouvrant au libre arbitre personnel. Ce n'est pas le mélange des genres qui cause les séparations, mais la diversité des individus. Quand le mariage d'amour augmente en nombre, le divorce augmente aussi, l'amour pour les enfants également, comme la demande forte d'épanouissement personnel et d'authenticité des sentiments. Ces corollaires prouvent que le mariage d'amour va bien …
Ne confondons pas conjugalité et parentalité
Le cœur du Droit de la famille est historiquement le mariage. Son ardent défenseur Portalis disait "il ne faut pas que ce soit une union que le plaisir forme et qui disparaisse avec le plaisir". Le mariage est une affaire sérieuse, ce sont deux personnes qui déclarent à la société entière leur relation, et qui, dorénavant, auront des comptes à lui rendre …
C'est peut-être aussi pour cela qu'on entend facilement des "On ne se quitte pas quand on a des enfants", "On réfléchit à deux fois avant de faire des enfants", "On ne se quitte pas à la première épreuve" Alors, quand on connaît le coût exorbitant d'une séparation, coût financier, social, affectif, peut-on raisonnablement réduire l'affaire à une sorte de vague généralisée d'immaturité ?
Et si la confusion de la conjugalité avec la parentalité vibrait de ses derniers soupirs …
La conjugalité, c'est le couple. Le couple (marié, concubin, hétérosexuel, homosexuel, …) repose aujourd'hui sans complexes sur un pacte d'amour avec condition résolutoire … quand il n'y a plus d'amour, il n'y a plus de couple. Un couple marié sur 2 divorce. Et que savons-nous des couples non mariés, ou de ceux le restant à la mode "bourgeoise" ... Il y a fort à parier que le 50% soit en réalité très nettement supérieur …
La parentalité, c'est la famille. Et l'évolution de la conjugalité en précarité des figures d'épouse et d'époux et en fragilité des liens conjugaux a promu les enfants comme seul élément stable de la famille. Les enfants portent maintenant la lourde charge des besoins de sécurité et de durabilité de ses parents.
On le constate. Le curseur a du mal à se stabiliser. La rupture de la conjugalité peut se solder par des difficultés économiques inextricables (des parents isolés deviennent SDF), une nouvelle solitude affective, des exclusions sociales, … 20% des enfants vivent dans des familles recomposées, monoparentales ou homoparentales.
Confondre, malgré soi, la conjugalité et la parentalité peut amener des parents à ne plus sécuriser leurs enfants en leur offrant un cadre de réflexion (que d'aucuns appelleront malheureusement l'autorité). Ils croient les sécuriser (ainsi qu'eux-mêmes) en leur offrant un amour qui ne sait pas dire son nom / son non. Et oui, une relation, c'est risqué. Quand on n'est plus d'accord, on finit par ne plus s'aimer. Quand on ne s'aime plus, on se quitte.
Rendons à la famille ce qui appartient à la famille : ce sont des parents et des enfants.
Il peut être judicieux de replacer l'adulte à sa place : il doit protection au plus faible, c'est à dire à l'enfant. Et non l'inverse !… La socialisation de l'enfant passe par une compréhension des règles, y compris celles qui ont régi l'union comme la séparation de ses parents, y compris aussi celles qui régissent la reconstruction d'un ensemble multipartite et trans-générationnelle … Un nouvel Esprit de Famille !
Des conséquences de la parentalité médicalement assistée
De la prise de conscience des ravages de l'éducation coercitive
L'autorité parentale
Le rassemblement familial
Des conséquences de la parentalité médicalement assistée
La décennie 80 bouscule les tabous. La stérilité n'a rien à voir avec l'impuissance. La science fait des progrès fulgurants, et en 1984 naît le premier bébé éprouvette. Puis viennent la FIV, l'insémination par donneur, l'Icsi, la mère porteuse, l'adoption par des couples homosexuels, l'utérus artificiel, la reproduction des souris sans mâles. A quand le clonage entre femmes homosexuelles ? la congélation pour une parentalité différée ?
Nous allons vers une séparation complète de la sexualité plaisir et de la conception. Nous allons vers la création possible d'une famille sans besoin de mère.
Que reste-t-il ? La volonté d'avoir un enfant.
De la prise de conscience des ravages de l'éducation coercitive
1950, le bébé n'est plus qu'un tube digestif. Il entre peu à peu dans la dimension de l'être humain grâce à Donald Winnicott, Françoise Dolto, et tant d'autres. La loi sur l'autorité parentale de 2002 marque encore une évolution. Elle stipule que la finalité de l'éducation parentale doit être non plus la conformité aux diktats de la société mais l'épanouissement individuel. Charge aux parents de se débrouiller avec ça ! Et l'on ne tarde pas à créer un lien entre le désordre social et la compétence parentale.
Pourtant il y a des structures d'éducation – trop rares (les écoles nouvelles, dépendant pourtant du Ministère de l'Education) qui savent depuis longtemps comment créer les meilleures conditions de la réussite personnelle, réussite qui mécaniquement rejaillit sur le groupe.
L'autorité parentale
Droit de vie et de mort sur ses enfants du temps des romains, droit de les envoyer en maison de correction jusqu'à … il n'y a pas si longtemps, l'exercice conjoint de l'autorité parentale en 1972, …et aujourd'hui on se focalise enfin sur les besoins de l'enfant. Il est navrant que d'aucuns le regrettent au prétexte que certains le font mal ou ne savent pas le faire.
C'est fabuleux de connaître enfin les étapes du développement de l'enfant. Rappelons-le, il n'est autre qu'un adulte en devenir, mais il n'est pas encore adulte … Les adultes en charge des besoins de leurs enfants découvrent cette matière. A l'âge qu'ils ont, la plupart n'a pas grandi avec cette chance d'avoir des parents à leur écoute. Ils peuvent avoir la faiblesse d'en rendre leurs enfants experts. Attention ! Que les enfants continuent de croire au Père Noël, et que les parents cessent d'y croire !
Laissons du temps et offrons des méthodes. Ne jugeons pas trop vite les résultats des évolutions, et aidons-nous plus, inspirons-nous des travaux de l'Education Nouvelle. Elle a maintenant plus d'un siècle d'expérience.
Le rassemblement familial
A quand remonte votre dernier déjeuner dominical chez la grand-mère ? ce repas qui dure des heures, ces plats qui n'en finissent pas de se succéder ? ces enfants qui sont tantôt tenus de rester à table, tantôt pas ?
Ce qui ressemble à des "habitudes" familiales semble avoir cédé la place à des rencontres organisées, si possible autour d'un événement lié à l'enfant … On se rassemble pour l'enfant et non pour la grand-mère …, et si cela fait plaisir de se rassembler.
Réalisons que le temps de travail a diminué substantiellement en un siècle, et la famille au sens strict et large en est la grande bénéficiaire (voyages, sports, amis, vie sociale …).
Alors qui n'y a pas gagné ?
Le couple !
C'est comme un retour à la case départ … On ne s'occupe pas du couple, le couple se meurt, l'enfant gagne de la place, les loisirs aussi, et le couple trinque encore à l'heure où l'e-loving se développe !
Et si finalement c'était notre rapport à l'Amour qui avait besoin d'aide ? …
Dans la colonne à droite (sous l'intitulé "Albums Photos"), vous trouverez des informations pratiques sur ce livre, ainsi que la biographie et la bibliographie de l' Auteur.
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