L'Histoire commence sur les premières lignes du Journal de Malrich, octobre 1996 : «Cela fait six mois que Rachel est mort. Il avait trente-trois ans. Un jour, il y a deux années de cela, un truc s'est cassé dans sa tête, il s'est mis à courir entre la France, l'Algérie, l'Allemagne, l'Autriche, la Pologne, la Turquie, l'Egypte.»
J'admire le courage de cet écrivain éclairé L'auteur, Boualem Sansal, n'est pas qu'algérien de naissance. Il vit là-bas, malgré la colère que provoque son œuvre – interdite - dans son pays. Ingénieur, enseignant, chef d’entreprise puis haut-fonctionnaire, il est limogé de son poste en 2003 en raison de ses prises de position critiques sur l’islamisation de l’Algérie. Malgré le boycott des Pays Arabes, il n’a pas hésité à aller au dernier Salon du livre de Paris en Mars 2008, qui avait choisi Israël comme pays invité d’honneur.
J'aime l'angle fraternel de l'approche. C'est une histoire de familles, comme il en existe tant d'autres. On pourrait imaginer que les histoires sont claires au sein des familles. Et pourtant ... A bien des besoins d'explications, peu de transparence et beaucoup d'imagination … Boualem Sansal raconte l'histoire de deux frères, Rachel et Malrich Schiller. Ils sont nés en Algérie. Leur mère est algérienne, leur père est allemand. Un événement tragique, l'assaut du GIA dans le village familial et l'assassinat des parents, va ouvrir la boîte de Pandore ... 1994, c'était hier, c'est encore aujourd'hui... Les deux frères ont une petite dizaine d'années d'écart, et leur regard est si différent ... L'aîné connaît l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale, le second à peine. L'aîné est empreint de réussite scolaire et sociale, le second survit dans la Cité.
J'hésite entre peur et soulagement …
A quelles autres œuvres cela me fait-il penser ? …
J'hésite entre peur et soulagement L'aîné des fils, obsédé par le passé, répond oui à la question qui le déchire : «Le fils est-il responsable des crimes du père ? Doit-il payer pour lui ?». Le plus jeune est lui obsédé par le présent. Il ignore tout de la Shoah, il comprend vite ses points communs avec les Imams du quartier. Il porte un regard lucide sur la banlieue selon lui dans un abandon croissant de la République et livré au fanatisme des islamistes.
Et la comparaison entre le régime nazi et le régime islamiste ne manque (malheureusement) pas de pertinence.
La Shoah. "En quatre petites années, un million trois cent mille hommes, femmes et enfants, dont quatre-vingt-dix pour cent de juifs, ont été traités dans ses fours, soit une petite moyenne de mille âmes par jour. Ca fait bien un village qui disparaît de la carte, maison par maison, famille par famille, entre l'aube et le crépuscule."
Le GIA fait disparaître des villages de la carte en Algérie. "Le pays est fermé comme un coffre et le mobile est le même : plus les gens sont pauvres, racistes et pleins de colère, plus facilement on les dirige. Ce n'est pas avec des gens éclairés qu'on commet des massacres, il faut de la haine, de l'aveuglement et un bon réflexe de démagogie."
Citoyens, nous rêvons que la connaissance des événements de l'Histoire nous protège. Au chaud dans notre Occident, Boualem Sansal vient nous dire notre aveuglement naïf, il vient nous rappeler que la différence entre hier et demain c'est le jour d'aujourd'hui, on ne sait pas comment il va finir.
Roman initiatique d'un adolescent des cités d'aujourd'hui et manifeste politique, "Le village de l'allemand" est déchirant de précisions, sur le temps d'aujourd'hui au regard du temps d'hier. L'avenir envisagé n'a rien de reluisant, et la démonstration factuelle nous invite à d'infinies prudences, à de grandes réflexions et à une seule question : mais que font nos politiques pour oeuvrer pour la paix ? Que faisons-nous pour cultiver et enrichir notre Humanité ?
A quelles autres œuvres cela me fait-il penser ?
Pour prolonger l'utilisation de la peur et de la bêtise, je pense au remarquable roman de Philippe Claudel, Le rapport de Brodeck (note dans ce blog). Sur la destinée des enfants en temps de guerre, je pense au programme de germanisation très joliment traité par Nancy Huston dans Lignes de faille. Et sur l'indéchiffrable entêtement des hommes à se tuer pour défendre ses convictions plutôt qu'à les comprendre, j'ai pensé à la lumineuse lecture des travaux de Clare W. Graves, "La Spirale de l'évolution".
Dans la colonne à droite (sous l'intitulé "Albums Photos"), vous trouverez des informations pratiques sur ce livre, des morceaux choisis, ainsi que la biographie et la bibliographie de l' Auteur.
Rebonjour, j'ai lu avec passion ce roman inspiré d'une histoire vraie. Un de mes coups de coeur de 2008. Voir mon billet du 09/04/08. Pour moi, je ne le compare à aucun autre.
Rédigé par : dasola | 15 juillet 2010 à 18h10
Merci infiniment ! ;-)
Rédigé par : Connivences | 26 novembre 2009 à 18h46
Bonjour,
Je viens de terminer ce roman! Vous en parlez très bien.
Rédigé par : La Nymphette | 26 novembre 2009 à 17h45