Et si la formation des concepts scientifiques démontrait que s'éloigner de la Vérité ouvre la porte du progrès et de la tolérance ?
Les vérités scientifiques sont des vérités historiques : elles sont toujours universelles, elles valent ce que vaut la vérité de la science, le présent de la science. La physique newtonienne a dépassé la physique galiléenne et a été dépassée par la physique relativiste d'Einstein.
La vérité apparaît comme un fantasme : on la dit comme quelque chose qui est, sans futur changement. C'est le principe de l'adéquation entre le sujet et l'objet connu (le monde). Or ceci est impossible, il n'y a pas adéquation entre vérité et réalité (Kant & Bachelard). L'épistémologie contemporaine a démontré que dans tous les actes de rationalisation il y avait construction : la construction se détache du réel. Donc rien n'empêche de changer les grilles d'interprétation. Il est donc intéressant de voir comment les concepts sont construits.
Découvrir la notion d'obstacle épistémologique, c'est rencontrer LE philosophe de l'épistémologie, Gaston Bachelard
L'épistémologie est le discours philosophique (critique) sur la connaissance ...
Gaston Bachelard s'interroge sur la valeur de l'obstacle à la connaissance scientifique : l'obstacle psychologique évolue, il n'est pas inné, il change dans le temps, il ne permet donc pas un progrès linéaire, mais cahotique.
La connaissance scientifique est historique. La valeur de l'obstacle est positive. On ne connait pas de façon linéaire et continue, on n'est pas une machine enregistreuse, il y a dans l'acte même de connaître des moments de blocage. Les blocages se situent au niveau de la connaissance rationnelle. L'obstacle c'est quand il y a une idée qu'on a crue vraie et qui après "rectification", après rupture, s'avère comme fausse. C'est une erreur active, elle a eu une efficacité, elle a empêché la constitution de la vérité à venir.
Dixit Bachelard "la connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres." : la connaissance se focalise sur quelque chose, le reste devient objet de méconnaissance. Et des exemples de recherches bloquées : la recherche médicale, notamment sur le cancer, les mathématiques : 23 siècles de stagnation entre la géométrie euclidienne (3é siècle avant JC) jusqu'au XXé siècle.
Les livres de chimie sont basés sur les éléments naturels de la Terre. Si la terre disparaît, ces livres deviendront des livres d'histoire. C'est pourquoi la science a supprimé le mot "vérité" (assimilé à éternité) et l'a remplacé par "modèle" (interchangeable). La vérité et les théories sont des obstacles épistémologiques. Ils gênent pour sortir du cadre. Dès qu'on croit en quelque chose, il n'y a plus d'évolution, plus de progression. C'est peut-être pour cela qu'un même homme ne fait pas un grand nombre de connaissances essentielles, car il finit par y croire.
Et la vérité empêche le doute nécessaire à la créativité et au changement. Exemples de rupture initiée par d'autres hommes : la révolution informatique : IBM a créé le "système" MS Dos, et a été balayé par Microsoft qui a créé la convivialité Windows, qui est en train d'être terrassée par la vague Internet tenue par Google …
Et si Gaston Bachelard avait rencontré Clare W. Graves … , ils seraient tombés sûrement d'accord. Le modèle de la spirale dynamique postule que pour qu'il y ait changement, il faut 2 conditions minimales : que les conditions de vie en aient besoin ET que le potentiel cérébral soit au niveau. C'est conforme à Bachelard.
La notion de rupture épistémologique est corrélative à la notion d'obstacle, puisqu'une pensée peut être reconnue comme obstacle si on a rompu avec elle. La notion de rupture introduit des discontinuités dans la pensée scientifique.
Souvenons-nous de deux exemples de rupture :
jusqu'au XIXé, tous les procédés d'éclairage passaient par le principe que pour avoir de la lumière il fallait brûler quelque chose. Edison rompt avec ce principe et se demande pourquoi. En se posant la question, en ayant un doute sur la vérité, il s'autorise à penser que ce principe est faux et ainsi a pu penser l'ampoule électrique. A l'inverse de quelque chose qui brûle, il faut même éviter que ses constituants brûlent.
jusqu'à Newton, on avait pensé les couleurs sur le modèle biologique : un modèle continu et circulaire
(indigo, violet, rouge, orange, jaune, vert, bleu ... indigo, violet, rouge, orange, jaune, vert, bleu ... etc ...). Ce schéma étant confirmé par la biologie, il n'a pas permis d'évoluer : pas de rupture, insensiblement du rouge au violet. Newton a changé le schéma, et la mit sur une ligne :
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Rouge orange jaune vert bleu indigo violet
Et il présente alors la discontinuité des couleurs
La ligne crée la rupture, et Newton peut se demander "qu'y a-t-il au-delà du sensible, au-delà de ce que l'on perçoit, au-delà du rouge, au-delà du violet ? C'est ainsi que Newton dit : il existe deux couleurs, les sensibles et les intelligibles (les IR et les UV). La physique moderne, qui a succédé à Newton, a conservé le schéma linéaire, l'a confirmé. Et on parle maintenant de nanomètres, de longueurs d'ondes de chaleur et non plus de couleur.
Tentative de conclusion … : Le réel n'est jamais ce qu'on pouvait croire mais est toujours ce qu'on aurait dû penser. Ne craignons pas d'étendre cela au-delà de la connaissance scientifique …
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