L'Histoire commence par un dialogue effréné entre deux frères «Là !» Un drame se déroule sur la plage où ils viennent de surfer, et les deux hommes vont devenir les héros d’une heure dans l’indifférence de l’impuissance des autres. Au retour chez lui, l’un des frères apprend que pendant son acte héroïque un autre drame bouleversait sa vie. «Je ne peux pas continuer. Je vais continuer.», écrivait Samuel Beckett.
J'ai aimé la scène fondatrice du roman, comme le parti pris du narrateur face à son destin. Mais l’enchaînement des situations n’a pas répondu à mes attentes. Quand la mort frappe, dans des degrés de brutalité que l’on pourrait décrire ou discuter, le vécu réactionnel des vivants est si varié et si inattendu.
Commençons par ce que j’ai aimé, avant de lister ce qui m’a manqué.
J’ai aimé cette idée de figer le choc en attendant que la souffrance implose, ce chaos calme dans lequel le veuf s'est enfermé attendant patiemment que la douleur le foudroie et inonde sa vie. Il s’arrête et regarde les instants présents comme une succession de drames cachés, de simplicités qu’on ne devine pas. Et comme la douleur et la souffrance nous habitent tous, et que nous lui fermons souvent la porte, quand un drame survient, c’est un signal pour lui laisser libre cours. Dans ce qui pourrait ressembler à une indifférence à la douleur, à un décalage dans son expression, les protagonistes de sa vie vont se succéder autour de lui et lui exploser leurs souffrances.
J’ai admiré la mentalisation des événements qui touchent le narrateur et sa fille, comme l’immobilisme dans lequel la souffrance les fige. J’ai été curieuse de la narration très dissociée des gens de sa vie qui viennent lui offrir leurs douleurs kaléidoscopiques comme un cadeau, comme une libération. Un peu comme si ta souffrance avait ouvert la porte des miennes, je veux boire dans ton courage apparent, j’offre du rocambolesque au chaos, à la hauteur de ton calme.
Les personnages secondaires sont finalement très secondaires, et si quelques événements m’ont paru d’une pertinence incroyable (ce qu’est une sortie d’école, ce qu’est un GPS, …), j’en ai eu trop peu étayé, dans tant de dialogue intérieur, pour nourrir mon plaisir et mes émotions. D’autres lecteurs, qui se sont ennuyés comme moi, m’ont dit «peut-être faut-il avoir vécu ce qu’a vécu le narrateur pour que le livre résonne ? » J’attendais aussi un revirement, j’attendais le choc, j’attendais que les héros tombent dans la chair et le sang, s’étalent dans leurs émotions, les expriment, les hurlent, les suent … Parce que la douleur, c’est aussi des émotions, des instants présents, fugaces, des tremblements, des ondes électriques, des regards magnétiques. Et c’est alors que l’histoire de ma vie est venue interrompre ma lecture … comme pour exaucer mes vœux d’émotions …
Ce qui m’a manqué, et je ne le décrirai pas ici maintenant, c’est le thème d’un autre roman qui reste à écrire !
C’est le choc de la nouvelle,
C’est l’annonce à l’enfant,
C’est l’histoire du courage et de la tristesse dans la construction du bonheur,
C’est la révolution silencieuse qui s’opère en nous quand la vie s’arrête et qu’on réalise qu’on ne vit pas assez la sienne,
C’est le contenu et le contenant de l’amour, joyau infini,
C’est la responsabilité en tant que personne à ne plus mentir, à soi, aux autres, à ses enfants, dans l’exemple qu’on leur donne,
Comme la Terre d’Islande, j’aurais voulu dans cette lecture, me sentir de feu et de glace.
A quelles autres œuvres cela me fait-il penser ?
L’absence de joli hommage à l’épouse perdue brutalement m'a fait penser à La plus que vive, Christian Bobin.
Dans la colonne à droite (sous l'intitulé "Albums Photos"), vous trouverez des informations pratiques sur ce livre, des morceaux choisis, ainsi que la biographie et la bibliographie de l' Auteur.
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